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De bric et de broc
6 octobre 2008

Le 9-3

Je pique cette note à Sixteene, parce qu'elle m'a plu, et qu'en plus l'auteur a demandé à ce qu'on la diffuse, alors bon, moi je suis pas contrariante... Le contexte : le documentaire de Yamina Benguigui : 93, mémoire d'un territoire, diffusé sur Canal+.

"Je n'extrapolerai pas sur la construction annoncée du ghetto pour des raisons industrielles puis politiques (le 93 a été dessiné pour enclaver la "banlieue rouge", c'est à dire toutes les municipalités communistes que les gouvernements successifs voulaient garder à l'oeil).


 Je n'extrapolerai pas sur l'inertie des pouvoirs publics et la désindustrialisation qui a eu lieu dans les années 70-80, laissant des terrains vagues pollués (j'ai noté un chiffre hallucinant : le sous-sol de Seine-Saint-Denis est pollué à moins de 40 cm du sol à 60 % de métaux lourds : plomb, hydrocarbures,..., les sous-sols et les nappes phréatiques ont toutes été polluées par des dizaines d'années et des dizaines d'années successives d'occupations du territoire par des entreprises polluantes) et laissant aussi pour compte des milliers d'ouvriers sans formation et sans autre échappatoire que les tours où ils résident.


Que pour réaménager ces terrains vagues totalement sinistrés, y construire des logements (autres que sociaux, passque ça va, hein, merci, on est servis pour le coup), des écoles, des crèches, des hôpitaux, il faudrait dépolluer. Que cette dépollution a un coût tellement important que personne ne s'y colle et que l'on reste avec des friches industrielles à perte de vue (et le Stade de France a été construit sur une méga nappe d'hydrocarbures...hein...voilà quoi). Et que lorsqu'il a été question de construire le village olympique pour Paris 2012 (d'façons, Londres nous a piqué la place donc maintenant, on s'en tape un peu) la DRIRE (Direction Régionale de l'Industrie, de la Recherche et de l'Environnement) et la préfecture de Seine-Saint-Denis ont planqué nombre de dossiers plombés (ah ça oui, pour le coup, super plombés, huhuhu) parce que construire un village olympique sur une zone polluée +++++ depuis plus d'un siècle...ça le fait moyen au niveau de l'image sportive et saine...


 J'ai été très heureuse d'y entendre des gens originaires de ce département, s'y exprimer clairement, donnant une image positive, claire et riche de cultures différentes, sans aucune agressivité et animosité...toute leur énergie étant consacrée à leur ambition "de s'en sortir" et à leur travail..."pour y revenir "et y améliorer les choses.


Ces images ont mis fin dans mon esprit à des années et des années de prise d'otages par les médias qui nous balançaient immanquablement, à chaque reportage "sur la banlieue" toutes les 30 secondes des images de jeunes encagoulés et toutes écharpes dehors pour hurler "Nique ta mère" et autres mots d'amour en lançant des caillasses et/ou des cocktails explosifs sur les camions de CRS / pompiers / ambulances (raye la mention inutile).

Je me limiterai (si tant est que ce verbe me concerne lorsqu'il s'agit d'écrire une note ici, hihihi) à résumer ce qui est à relier avec mon métier, l'enseignement (pour ceux qui suivent).


J'ai appris qu'à la fin des années 50, il n'y avait aucun lycée et aucun collège dans le futur département du 93 (qui a été créé en 1964 suite au nouveau découpage de la région parisienne). Hein, aucun lycée et aucun collège. La population est ouvrière et il n'y a aucune opportunité, après le certificat d'études, pour s'élever socialement. Ou alors prendre le train pour aller dans les lycées parisiens ou de l'ouest parisien. Voilà. Déjà. Ghetto d'ouvriers. Bing (et non non non, je ne ferai aucun lien aujourd'hui avec le nombre de lycées de Seine-Saint-Denis qui ont des classes prépas et des classes de BTS -un petit nombre, quoi -...et ne me dites pas que l'Etat favorise l'ascenceur social, hein. Ne me dites pas !!!!!).


J'ai entendu une avocate d'origine malienne, à qui on a dit ("on" est un prof, hein, of course), toute jeune, quand elle évoquait son envie de passer le bac et de devenir avocate : "Il faut être raisonnable, voyons !". Abruti (de prof).


Après avoir eu sa capacité en droit, elle a envoyé 300 CV pour rechercher une collaboration, a eu 10 rendez-vous qui n'ont abouti à rien. Après un passage à Washington, elle est revenue en France et elle a encore mis 7-8 mois pour trouver une collaboration, malgré son CV béton. Elle s'est installée au barreau de Seine-Saint-Denis et elle travaille depuis dans ce département auquel elle tient.


J'ai entendu un jeune bachelier (qui a suivi un enseignement général dans le lycée où j'enseigne, hiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiii) dire que ses frères avaient respectivement bac+4 et bac+6 (mastère en gestion de réseaux informatiques). Que celui qui avait bac+4 avait cherché pendant 2 ans, écrit à 350 entreprises, n'avait décroché aucun job et avait fini par devenir chauffeur de taxi. Que son frère à bac+6 avait trouvé un job...après avoir "enlevé le 93 de son CV" (sic) en y mettant à la place le 94, bien plus porteur comme département en termes d'opportunités et bien moins stigmatisé.


Ce jeune qui raconte s'être fait contrôlé 9 fois dans la même après-midi juste parce que "délit de faciès", qui déclare que la ville qu'il habite est la plus jeune de France en terme de population, et qu'il n'y a ni cinéma, ni centre commercial, ni centres de loisirs, ni infrastructures de transports suffisantes pour s'évader du ghetto de la cité alors ils jouent dans la rue et s'y font renverser...ou restent dans les halls des tours parce que le taux de chômage est de 40 %. Ce jeune préparait l'entrée à Sciences Po et projetait de faire du droit s'il échouait au concours.


J'ai entendu le directeur de l'IUT de Paris XIII (Villetaneuse-Bobigny) raconter la crainte de ses étudiants sur la stigmatisation qu'a le territoire sur leurs études (et quand on lit ce que je viens d'écrire au-dessus, on se dit que "Ben ouais, quoi"). Qu'ils seront titulaires d'un diplôme national (un DUT donc) mais qu'ils seront mis en concurrence avec celui de Sceaux ou celui de Paris-V. And guess what ? On prendra les autres avant eux (bon, le directeur de l'IUT, il disait pas ça, mais on le sentait gros comme une maison, hein).


Je concluerai juste comme le reportage...avec des photos de célébrités multiples et variées originaires de ce département si terrible mais si riche, dont je cite les noms ici :


- Jean-Baptiste Mondino (réalisateur et photographe) - Aubervilliers

- Roschdy Zem (acteur) - Drancy

- Pierre Desproges (humouriste) - Pantin

- Virginie Ledoyen (actrice) - élevée à Aubervilliers

- Elodie Bouchez (actrice) - Montreuil

- Grand Corps Malade (chanteur) - Le Blanc-Mesnil

- Jean-Marc Mormeck (boxeur) - élevé à Bobigny

- Kamel Ouali (chorégraphe...ouais, bon...pas toujours de bon goût, j'admets) - Saint-Denis

- Muriel Hurtis (athlète) - Bondy

- Joey Starr (chanteur...condamné pour violences, ok...ok...) - Saint-Denis

- Faïza Guène (romancière de 23 ans) - Bobigny

et (quand même, excusez du peu) :

- André Malraux (écrivain et homme politique) élevé à Bondy (et qui n'est pas bachelier, hein...)"

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Commentaires
E
bon j'ai pas le courage de lire, mais c'est c'est quand meme super interessant
De bric et de broc
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